Mes chers frères et sœurs, on a souvent accusé notre religion chrétienne d’être «l’opium du peuple», c’est-à-dire une sorte de narcotique qui nous fait oublier les problèmes de la vie courante, en nous promettant le bonheur après la mort. C’est exactement le contraire que Jésus veut pour nous : «Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ?» : Arrêtez d’avoir la tête dans les nuages, ayez vos pieds sur terre, voyez ce qui se passe autour de vous, retournez à votre Galilée natale, c’est-à-dire dans votre propre milieu de vie, dans votre ville, votre village, votre famille. N’allez pas chercher Dieu dans les nuages, ni dans les discours, ni dans des doctrines. Dieu n’est pas une idée abstraite. Il a un nom : l’amour, et un visage : le prochain.

En cette fête de l’Ascension, nous ne célébrons pas le départ du Seigneur mais bien sa présence dans notre vie de tous les jours. Après une mission bien accomplie, Jésus retourne vers le Père et nous promet une nouvelle façon de nous accompagner et d’être avec nous : «Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps». Il est présent par sa parole, par les sacrements (en particulier l’eucharistie) et par le visage de l’autre qui a besoin de nous : «Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères et mes sœurs, c’est à moi que vous l’avez fait.» (Matthieu 25).

C’est à nous d’accomplir les œuvres du Seigneur parmi nos frères et nos sœurs. Le Seigneur confie sa mission aux croyants que nous sommes : «Ceux qui croient en moi accompliront les mêmes œuvres que moi» (Jean 14, 12). Ou encore : «Ceux qui deviendront mes disciples, en mon nom ils chasseront les esprits mauvais, ils parleront un langage nouveau… ils imposeront les mains aux malades et les malades s’en trouveront bien » (Marc 16,17-18). Et dans l’évangile d’aujourd’hui il nous donne un ordre : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples ». A chaque messe, la formule de renvoi de l’assemblée nous le rappelle : «Allez dans la paix du Christ »… Ne restez pas là à regarder vers le ciel, retournez chez-vous, dans votre Galilée où la mission vous attend.

Dans le récit de l’Ascension et de l’envoi des disciples en mission, Matthieu mentionne un détail important, le doute de certains disciples : « Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.» Et Jésus n’essaie pas d’éradiquer leurs doutes, comme il l’avait fait précédemment avec Thomas. Il se contente juste de leur donner un ordre nouveau : celui de diffuser son évangile. C’est tout un programme qui s’ouvre devant les disciples. L’heure est à l’action. C’est cette action même qui se révélera comme un antidote au doute. Parfois, agir est le seul remède pour venir à bout de réflexions stériles. Les juifs, dans leur sagesse pragmatique, ont coutume de dire : « Fais, et tu comprendras. »

Au terme de cet Evangile, les disciples ne sont pas complètement délivrés de leurs doutes. Mais ils sont rassurés par une promesse du Seigneur: « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ». Cela nous montre que transmettre la foi n’est pas incompatible avec le doute. Le doute fait partie de la foi. Nous sommes croyants, mais parfois nous traversons des nuits obscures de doute. Ce n’est pas une raison de renoncer à notre mission. Ne nous laissons pas paralyser par nos doutes pour ne pas nous impliquer dans la vie de l’Eglise.

La prise en compte de nos doutes est salutaire. Dans certains milieux, il n’est pas de bon ton de douter. Alors les gens n’osent pas exprimer leurs doutes pour ne pas passer pour de mauvais chrétiens. Mais nier le doute, ce n’est pas le faire disparaître, c’est juste faire naître de la culpabilité. Or l’évangile ne culpabilise jamais. Le doute n’est pas incompatible avec la foi. N’en ayons pas peur. Mais n’en restons pas là non plus : allons tous ensemble proclamer la Bonne Nouvelle.

Père Jean-Paul