Entre l’Ascension et la Pentecôte, les disciples de Jésus se préparent à accueillir l’Esprit Saint et à aller annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus à toutes les nations. Leur expérience de ces neuf jours (une neuvaine) nous instruit. Nous y voyons une vraie fraternité qui, avant de se disperser pour la mission, se recueille dans la prière et vérifie son unité : deux aspects fondamentaux pour la vie de chacun, du groupe et de la mission.

Le jeudi passé, nous avons fêté l’Ascension, la montée de Jésus auprès son Père. Les disciples viennent de se séparer du Maître. Confiant en lui, ils retournent du mont des oliviers et se rendent à Jérusalem, comme il l’a exigé. Pendant ces jours, ils préparent leur coeur pour recevoir l’effusion du Saint Esprit, car la Bonne Nouvelle du salut ne peut être proclamée ni par la force, ni par la sagesse humaine, mais par la puissance d’en haut. Ils prient avec une intense ferveur afin d’affronter les difficultés liées à l’annonce de la résurrection. Ils savent que ce n’est pas facile de ramener les pécheurs à la repentance. Le Seigneur lui-même n’ignore pas ce qui attend ses disciples. Eux-mêmes savent que le Maître les aime.

« D’un même coeur, ils sont assidus à la prière ». L’unité du groupe découle essentiellement de la communion de chacun avec Dieu, par Jésus et dans la prière. Ils savent en effet que le Maître leur a permis d’appeler Dieu « Abba », et que cette Église en germe prolonge la présence du Christ en prière. Ainsi, par notre prière, le Christ continue de vivre et de prier en chacun de nous et dans nos lieux de vie. Ainsi, dans l’Église en germe, Jésus prie. Il prie d’abord pour lui-même. Il est curieux de voir que lui, qui est Fils de Dieu, se met souvent en prière. Mais c’est tout justement parce que, tout en étant Dieu, il est aussi pleinement homme. Par sa prière il reste en communion avec le Père, mais en même temps il indique à l’homme le chemin à prendre pour se réaliser pleinement, pour être vraiment humain : il s’agit de vivre en communion avec le Créateur, l’auteur de la vie. En priant le Père, par Jésus, avec lui et en lui, nous nous réalisons comme enfants de Dieu et comme humains. Et notez que dans sa prière, Jésus glorifie Dieu. Sa prière est souvent une prière de louange au Père, jusqu’à faire de sa vie une offrande à la louange de Dieu pour le salut du monde. Quelle est la place de l’action de grâce et de la louange dans l’horaire de nos journées ?

Jésus prie pour lui ainsi : « Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie ». Sa demande peut être mal comprise, puisqu’en français le mot gloire fait penser aux honneurs, à la plénitude d’un pouvoir qui est une emprise sur l’autre, sur les autres. Cette gloire, c’est celle du « monde », contaminé par le Mal, étranger à l’Amour et tirant sa gloire de ce qui devrait lui faire honte, comme le dit Saint Pierre (cf. 2ème lecture). Confiés à Jésus par le Père, nous sommes conviés à ne pas rechercher cette gloire du monde qui entraîne un cortège de jalousie, de haine, de mépris, de conflits, de guerres et de malheurs de toutes sortes ! Nous sommes plutôt destinés à une gloire d’un tout autre ordre ; car la gloire, en langue hébraïque, renvoie à la réalité objective d’un poids, d’une présence. La gloire de Dieu, c’est ce qui fait son poids, c’est la plénitude de l’amour, réalisant le bonheur et l’immensité de la création confiée à l’homme. C’est dans ce sens que Saint Irénée disait que « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». La gloire du Christ, c’est son amour, c’est sa vie qu’il veut donner à tous. Et c’est cela qui fait la vraie beauté de la sainteté.

Dans l’Église en germe, Jésus prie ensuite pour les croyants, c’est-à-dire ses disciples et ceux qui, par eux, croiront en lui. Ce qu’il demande pour eux c’est quoi ? « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ ». La vie éternelle est communion avec Dieu par Jésus-Christ et avec l’aide de l’Esprit-Saint. Et c’est pour cette vie éternelle que les disciples se mettent à attendre l’Esprit Saint. La vie éternelle est donnée en partage dans la prière, dans l’accueil de la parole et de la volonté de Dieu, et dans les sacrements. Un des signes de la vie éternelle dans cette Église en germe, c’est que des personnes si différentes se rassemblent et constituent une admirable unité : on a les 11 apôtres, aux personnalités si diverses, sous la direction de Pierre. Il y a aussi des « frères », et quelques femmes. Parmi ces dernières se trouve Marie, la mère de Jésus, qui est au berceau de l’Église comme elle l’était pour l’enfant Jésus. Ces personnes qui, il y a 3 ans à peine, ne se connaissaient pas nécessairement, forment désormais une « famille » qui vit « d’un même coeur ». Quelle grâce ! Tous ont accepté de s’engager dans la même aventure, chacun a fait une rencontre personnelle avec Jésus, et désormais ils se serrent les coudes, non seulement pour tenir le coup, mais aussi parce qu’ils savent que c’est par l’amour qu’ils auront les uns envers les autres que le monde les reconnaîtra comme des disciples de Jésus (cf. Jn 13,35). Leur union constitue donc un appui pour chacun et une force très puissante pour leur mission à entreprendre bientôt.

Le Maître avait tout mis en oeuvre pour que ses disciples soient prêts pour le grand jour de l’Esprit Saint, qui les défendra, eux et toute l’Église, jusqu’à la fin des temps. Frères et soeurs, préparons nos cœurs à recevoir la 3ème personne de la Trinité, afin que notre vie soit illuminée pour toujours, et que celle-ci devienne un cadeau de Dieu à nous-mêmes, à tous nos proches et à toutes les personnes auxquelles il nous envoie. Viens Esprit-Saint !

Que Dieu vous bénisse.

Père Sébastien,

le 24 mai 2020