Mes sœurs et mes frères bien-aimés, la parole de Dieu est toujours « inouïe », c’est toujours du « jamais encore entendu » parce qu’elle a toujours une résonance nouvelle à nos oreilles selon les circonstances où nous l’écoutons. Aujourd’hui,  les textes liturgiques de ce deuxième dimanche de Pâques, dimanche de la Divine Miséricorde, résonnent avec un accent particulier dans ce contexte inédit où plus de la moitié de l’humanité se trouve confinée suite à l’épidémie du coronavirus.

La première lecture tirée du livre des Actes des Apôtres (2,42-47) décrit la vie de la première communauté chrétienne : « Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun ». Aujourd’hui, ces paroles font écho à  ces milliers de personnes qui essayent d’inventer de nouveaux gestes de solidarité pour faire face ensemble à ce virus, pour soutenir ceux qui sont au front et qui se consacrent sans relâche et avec abnégation au soin des malades ; ces milliers de personnes qui n’étaient pas les plus en vue dans notre société mais dont, pourtant, les services s’avèrent indispensables pour notre existence. C’est le cas de dire, avec les Actes des Apôtres, que « grâce aux nombreux signes et prodiges accomplis par certains, il y a une véritable communion fraternelle ». Même si les libertés individuelles sont restreintes, même si les inégalités sociales demeurent, néanmoins nous redécouvrons aujourd’hui la valeur de la fraternité.

Dans la deuxième lecture extraite de la Première épître de Saint Pierre (1P. 1,3-9), l’apôtre  proclame haut et fort : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts…  ». Un regard lucide sur les évènements que nous traversons aujourd’hui laisse croire que notre monde est en travail et que de ses douleurs d’enfantement naîtra un monde nouveau. Un monde plus juste, plus humain, plus fraternel où les plus fragiles sont les premiers servis, où l’argent cesse d’être la valeur suprême et où les biens de la terre sont au service du plus grand nombre.

Oui le meilleur reste à venir, ou mieux à inventer ! Nous avons des raisons de croire que cette crise nous fera grandir et que les choses ne seront plus comme avant. A l’instar d’une maman qui se tort de ses contractions, mais qui sait pertinemment que sa douleur est au service d’une vie à naître, ainsi la foi nous donne d’espérer que nous accouchons d’un nouveau monde au milieu même de cette nuit obscure dans laquelle l’humanité se trouve plongée. Les enfants d’Israël, en sortant d’Egypte où ils étaient esclaves, ont dû s’armer de foi et d’espérance pour oser quitter leur monde et s’élancer à travers l’incertitude du désert pour une terre promise dont ils n’avaient aucune idée, si ce n’est la promesse d’être un pays « où coule le lait et le miel ». Nous en sommes là aujourd’hui, en train de quitter un ancien monde et en route pour la terre promise ! Mais ce monde n’adviendra pas par coup de baguette magique. Il reste à inventer.

Pour tenir le coup durant cette épreuve il nous faut avoir la foi comme celle qui animait le peuple d’Israël dans sa longue traversée du désert. Etre un homme de foi, cesser d’être incrédule, c’est ce à quoi Jésus invite Thomas dans l’Evangile de ce dimanche. Thomas, surnommé Didyme (c’est-à-dire Jumeau) nous ressemble un peu, il est notre jumeau à nous tous qui nous disons cartésiens, nous qui ne voulons pas croire avant d’avoir vu. Et aujourd’hui, comme nous, il est aussi confiné avec les autres apôtres. Confinés par peur non pas d’un virus, mais des juifs qui voulaient les faire arrêter. C’est dans cette peur, alors que toutes les portes étaient verrouillées, que Jésus vient s’infiltrer : « Jésus vint et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : La Paix soit avec vous ! ». Plus que jamais, nous avons aussi besoin de cette paix.

Remarquons ce détail très important : Jésus ressuscité, dont le corps glorieux n’est plus soumis aux lois de la nature, porte cependant les marques de sa passion, les cicatrices de ses mains et de son côté qu’il invite Thomas à explorer. C’est la preuve visible qu’on peut traverser des moments extrêmement difficiles, même la mort, et en sortir vivant ! Heureux Thomas qui a cru parce qu’il a vu cela, mais plus heureux encore seront ceux qui croiront sans avoir vu, ceux qui croiront au cœur même de l’épreuve que celle-ci n’est pas une fin, mais un passage vers une vie meilleure !

Enfin, en soufflant sur ses disciples, Jésus leur dit : « Recevez l’Esprit Saint… ». Jésus savait qu’ils avaient besoin d’un souffle nouveau pour sortir de leur torpeur. Nous aussi, c’est de souffle que nous avons besoin, surtout nos frères et sœurs atteints par le coronavirus et qui ont le souffle court ou carrément coupé. Prions pour que Jésus continue de souffler sur chacun d’eux à travers les gestes des soignants et de tous nos héros du quotidien qui maintiennent la vie possible pour tous et qui sont le signe vivant de la Divine Miséricorde.

Père Jean-Paul