Saint Luc précise que l’un des deux disciples d’Emmaüs s’appelait Cléophas, tandis qu’il ne dit pas le nom du deuxième, de manière à ce que tout chrétien comprenne que ce deuxième disciple c’est chacun de nous, dont l’espérance parfois ou souvent déçue, est toujours appelée par le Ressuscité à renaître jusqu’à rayonner !
Oui, au départ ce récit est l’histoire d’une espérance déçue. Jésus a opéré des merveilles et ses disciples ont espéré que c’est lui qui sauverait Israël. Ils se sont abandonnés à lui totalement. Mais voilà qu’il s’est fait tuer. Il y a certes cette nouvelle qui circule, celle de sa résurrection ! Mais nos amis d’Emmaüs trouvent que c’est « une histoire de femmes », qui ne peut les convaincre. Alors, ils s’en vont tout tristes et déçus.
Nous sommes souvent pareils à eux ! Nous aussi, nous sommes nés dans ce monde qui, depuis 2000 ans, a connu des cultures marquées par la foi en Jésus. Celle-ci est arrivée à gagner notre adhésion personnelle : nous nous disons disciples de Jésus et nous comptons sur lui. Mais nous sommes souvent ces disciples marqués par la tristesse et le découragement particulièrement quand la réussite, le bonheur et la paix ne sont pas au rendez-vous, ou lorsque la maladie, les difficultés, les échecs et le deuil nous touchent et bousculent notre vie. Comme en cette période où le coronavirus s’est invité dans nos vies avec tout son cortège de dégâts dans le monde.
Mais voilà que sur ce chemin d’Emmaüs, le Ressuscité rejoint incognito les disciples découragés. Il vient faire route avec eux. Il va leur donner l’occasion de parler, de « vider leur sac », et il écoute patiemment ces interlocuteurs qui dégrènent le chapelet de leurs plaintes et déceptions. Ensuite, il prendra le temps de leur expliquer longuement par la Parole de Dieu tout ce qui est arrivé à ce Jésus ; et ce faisant, il les accompagne jusque dans leur village où il accepte leur invitation de « rester avec eux », dans cette maison où il va se faire reconnaître par la fraction du pain.
Sur nos chemins de doute et de désespoir, Jésus marche avec nous et nous écoute. Il nous invite à ne pas nous arrêter au tombeau mais à ouvrir nos oreilles à sa parole et nos yeux à sa présence. Peu à peu, la Parole devient Vie intérieure, lumière, Feu brûlant : « N’y avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ? » La Parole de Dieu, reçue avec foi, enflamme le cœur. Elle nourrit notre foi. Et ce n’est qu’avec ce regard de foi, nourri par la Parole accueillie et longuement méditée, que le signe du pain rompu et partagée vient montrer que le Christ est vivant et qu’il ne cesse de manifester sa présence partagée par d’innombrables signes dans notre histoire et dans nos communautés.
Et quand on a reconnu et accueilli le Christ vivant, le cœur étant rempli de joie, on ne peut pas garder cela pour soi-même. Les disciples d’Emmaüs reconnaissent désormais que le Christ est effectivement ressuscité. Ils sont fous de joie, ils revivent, ils « ressuscitent », et ils rentrent à Jérusalem pour aller partager la bonne nouvelle aux autres disciples !
Oui, un chemin de tristesse, de découragement peut devenir chemin de résurrection, où l’espérance déçue est retrouvée et finalement partagée, où le cœur brûle d’un feu à propager. C’est à cette résurrection que nous sommes conduits par le Christ et que nous sommes conviés à conduire les autres, en empruntant avec eux le chemin du partage :
– Partage de la route : l’exemple du Christ, lui qui rejoint ces deux disciples, nous appelle à marcher avec les autres, à leur rythme, à ne pas essayer de les entraîner dans un pas plus rapide qu’ils ne peuvent pas suivre. Il s’agit de s’approcher d’eux, de se rendre proche de leur intimité, de leur souffrance, de leur vie. Il s’agit de les accompagner, de prendre du temps pour les écouter, d’entendre leurs questions.
– Partage de la Parole de Dieu, car elle vient rejoindre nos questionnements, elle devient ainsi une lumière sur la route de notre vie (cf. Ps 119,105), et elle agit certainement avec efficacité puisque le Seigneur déclare lui-même : « … ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission » (Is 55,11).
– Partage du repas, c’est-à-dire de l’Eucharistie et des signes profonds qui nourrissent et remettent debout.
Signes de la vie plus forte que la mort, et partage de la joie.
Que la joie de la Résurrection illumine nos cœurs et rayonne autour de nous !
Père Sébastien, le 25/04/2020
Info : certains se rappellent peut-être que j’ai été ordonné prêtre le 26 avril 1987. Merci pour votre prière, et bon dimanche à tous.