Mes sœurs et mes frères bien-aimés dans le Christ, je vous souhaite paix et joie dans vos maisons !

Ce dimanche, qui se situe au milieu du Carême, est communément appelé « dimanche de la joie ». Joie de voir déjà poindre à l’horizon la lumière de Pâques, joie aussi de ceux qui se reconnaissent en l’aveugle de naissance de l’Evangile, qui reçoit de Jésus non seulement la vue mais surtout la lumière de la foi.

Le thème de la lumière est central dans l’évangile de ce dimanche. L’épisode de la guérison de l’aveugle de naissance survient peu de temps après que le Seigneur eut dit : «Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marche pas dans les ténèbres, mais il a la lumière de la vie» (Jn. 8, 12). En guérissant l’aveugle, Jésus lui ouvre les yeux non seulement à la lumière du monde pour apprécier la beauté de la création, mais aussi à la lumière de la foi pour reconnaître son créateur et son sauveur.

En réalité Jésus opère chez cet aveugle une double guérison: une guérison physique et une guérison spirituelle. Il y a lieu d’admirer l’évolution de la guérison spirituelle de l’aveugle. Il parle d’abord de « l’homme qu’on appelle Jésus » ; ensuite, il voit en lui « un prophète » ; après il reconnaît qu’il est « le Fils de l’homme » ; enfin, Jésus est pour lui « Seigneur ». La formule du miraculé : «Seigneur, Je crois! » (Jn 9, 38a), avant de se prosterner devant Jésus, correspond plus ou moins à ceci : « J’étais aveugle, mais maintenant je vois. Pas seulement avec les yeux de chair, mais avec les yeux de la foi ».

Antoine de Saint-Exupéry, dans Le petit prince, disait : «On ne voit bien qu’avec le cœur». Jésus vient nous guérir de nos cécités en nous ouvrant à une autre façon de voir les choses. Il nous propose une nouvelle vision de la vie, du temps, du silence, du travail, de la famille, de notre relation avec les autres, de notre fragilité humaine, de la maladie et de la mort. Nous l’apprenons parfois à l’occasion de certaines circonstances difficiles comme le confinement auquel nous sommes actuellement soumis suite à l’épidémie du corona virus. À nos yeux, les choses prennent subitement une autre épaisseur. Nous avons désormais du temps, tellement de temps que nous n’en savons que faire. Les époux n’ont plus d’excuse pour ne pas rester ensemble. Les parents apprennent à connaître leurs enfants et les enfants apprennent à rester en famille. Le travail cesse d’être une priorité. Les voyages exotiques et les loisirs ne sont plus la norme d’une vie réussie. Au milieu du silence que nous impose le confinement, les mots « solidarité » et « vulnérabilité » trouvent une autre résonnance.

Du coup, nous comprenons qu’il inutile de s’attarder à poser des questions du genre : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Il nous faut tout simplement prendre conscience de « la fragilité de la vie humaine, exposée à l’imprévisible » et nous confier au Seigneur. L’aveugle guéri l’a bien compris et, éclairé par la lumière de la foi, il témoigne devant les pharisiens: « Dieu […] n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce » (Jn 9, 31).

Et nous chrétiens, il ne nous suffit donc pas d’être illuminés ; encore faut-il être «témoins de la lumière» (Jean 1,8) ou « lumière du monde » (Mt. 5,14).

Dans le drame de Paul Claudel, « Le Père humilié », une jeune fille juive et aveugle demandait à un jeune chrétien : «Vous qui voyez, qu’avez-vous fait de la lumière?» Mes sœurs et mes frères bien-aimés, cette question nous est posée aussi aujourd’hui: nous chrétiens, que faisons-nous de la lumière de l’Evangile, que faisons-nous de notre foi en Jésus Christ ?

Père Jean-Paul WASINGYA MUSAVULI