Nous voici au dernier dimanche d’un long temps de confinement. Le Covid-19 nous a titillés. Des personnes nous ont quitté, d’autres sont malades. Nous avons tenu bon, tant bien que mal. Maintenant, il va falloir sortir de ce confinement. On discute, et une question domine : que faire et comment ? Que faire pour vivre le deuil, pour garder le moral, l’espoir et même l’espérance ? Comment soutenir nos enfants et nos anciens ? Comment nous protéger contre la maladie ? Comment reprendre le travail ? Comment avoir bientôt une vie paroissiale renouvelée, enrichie par tout ce que nous aurons vécu et inventé ? Quel chemin prendre pour avoir la vie ?
L’Évangile de ce dimanche tombe à point nommé, car Jésus s’y présente comme « le Chemin, la Vérité, et la Vie » ; et Saint Pierre renchérit en voyant en lui la pierre angulaire de l’édifice de Dieu dont nous sommes les pierres vivantes. Comment accueillons-nous et allons-nous vivre cela ? L’épisode de l’évangile se déroule le jeudi saint : après le repas, Jésus se confie à ses apôtres bouleversés de son départ imminent, et il les console. Il entend leur perplexité qui est manifestée dans l’intervention de Thomas : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas… » ; puis dans la demande de Philippe : « Montre-nous le Père ; cela nous suffit ». Dans ce qu’il leur répond, Jésus nous parle.
D’entrée de jeu, il nous appelle à la sérénité fondée sur la confiance en lui : « Que votre coeur ne soit pas bouleversé ». Pour que cela soit possible, il indique comment : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ». Il s’agit de croire en lui, en regardant au moins ses oeuvres. Car celles-ci manifestent clairement qu’il est le Bon Berger qui veille sur ses brebis et qui donne sa vie pour elles. Même son départ est fructueux et bénéfique pour ses amis : « Je pars vous préparer une place et… je vous emmènerai avec moi ». Il nous prépare une place pour la vie éternelle ; et celle-ci, il nous la partage non seulement après notre mort mais déjà maintenant. Donc, quand il annonce revenir prendre les siens, il indique ses nombreuses venues dans la vie du croyant. Oui, le Christ vient continuellement dans nos vies, par sa parole, son Esprit Saint, ses sacrements, l’amour qu’il met dans nos coeurs et celui que nos frères et soeurs nous manifestent. Sans attendre un au-delà à venir, le Christ nous prend avec lui dans un aujourd’hui habité par lui-même et ses oeuvres. Car, il veut que nous soyons présents là où il est, là où il vit dans la communion avec le Père et le Saint- Esprit, et là où il continue de dire aux hommes de notre temps : « Que votre coeur ne se trouble pas ! » Mais sommes-nous prêts à le reconnaître et à l’accueillir ? Sommes-nous prêts à nous laisser porter par lui et en lui, pour dire et chanter : « Mon père, mon père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira… ».
Pour ce faire, il nous faut accepter qu’il soit pour nous « le Chemin, la Vérité et la Vie ». Jésus est le Chemin qui nous permet de trouver le Père, d’accéder au ciel c’est-à-dire l’espace du divin, de l’éternel, et de la paix. Il est la Vérité qui nous révèle l’Amour du Père. Il est la Vie déposée en notre coeur par le Père. Nul ne va au Père, dans la paix divine, sans passer par Jésus. Plus qu’un guide sur le chemin, il est lui-même le Chemin. En tant que tel, il ouvre un passage, un passage vers un ailleurs, parce qu’il est mouvement, parce qu’il est devenir. Il est vraiment notre Chemin, parce qu’il y a en lui : et l’homme et le Fils de Dieu ; c’est par lui que nous devenons enfants de Dieu et vraiment humains. Par là, il nous conduit, à travers son Église, à la construction d’un monde plus juste, plus écologique, plus humain, plus fraternel, plus solidaire…. Et cela est urgent, car la pandémie que nous traversons est pleine d’enseignements dans chaque domaine d’activité de l’homme ; au niveau économique : retrouver le sens des biens communs ; au niveau éthique : retrouver le sens de l’émerveillement et de l’humilité vis-à-vis de la nature, du Créateur et du Sauveur. Au niveau ecclésial : repartir de la famille et retrouver le sens des églises domestiques, bien reliées avec la paroisse, le diocèse, inventer des chemins nouveaux pour témoigner de Jésus…
Le projet est très merveilleux, mais immense et ambitieux. Il exige donc la participation de tous. C’est pourquoi, selon la 1ère lecture de ce dimanche, dès le départ, les apôtres de Jésus comprennent qu’ils ne peuvent tout faire, eux seuls. Ils vont s’adjoindre des collaborateurs de premier plan. Ce sont les 7 premiers diacres qui, pour accompagner l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ, sont chargés du service des tables. Puisque nous ne pouvons pas vivre sans entretenir la planète terre « notre maison commune » (cf. Laudato Si), puisqu’un esprit sain exige un corps sain, puisqu’un « ventre affamé n’a point d’oreilles », il nous faut, avec la force que nous recevons de la foi, bien prendre soin de l’environnement, et s’occuper de l’homme, de son corps, de sa santé ; c’est tout cela travailler aux oeuvres du Christ. Comme les Apôtres, les Sept feront les « oeuvres » de Jésus, et « même de plus grandes ». Nous sommes tous appelés à nous joindre à eux pour travailler à l’avènement d’un monde meilleur.
C’est pourquoi, la question que le chrétien doit se poser en ce dimanche n’est pas comment va-t-on être déconfiné – puisque les incertitudes vont continuer – mais comment ce chemin de liberté recouvrée va chaque fois s’ajuster à Jésus, comment le Christ va m’aider à grandir et permettre à ma foi de produire les oeuvres de l’Esprit-Saint et de son amour. Le 11 mai 2020 va-t-il ouvrir une nouvelle étape dans ma vie ? Cette étape où Jésus est le Chemin qui intègre tous mes choix, celle de l’émerveillement devant ses oeuvres que je vois dans le dévouement sans faille de beaucoup de personnes et dans la beauté de la vie, même fragile. Puisque Jésus est la pierre angulaire de ce monde à venir tant espéré, marqué par le règne de son amour, devenons des pierres vivantes de l’édifice, des pierres balisant, pour tous les hommes, une route lumineuse.
Père Sébastien,
le 9 mai 2020