« Notre paroisse comme une famille où l’on rencontre le Christ qui aime » tel est notre projet pastoral paroissial qui arrive au terme des trois ans pour lequel il a été conçu. Il va falloir lui donner une suite ! Mais je voudrais aussi rappeler le thème proposé par notre évêque pour l’année qui vient : l’Eglise famille de Dieu. La notion de famille est donc au cœur des préoccupations paroissiales et diocésaines cela rejoint tout à fait l’Évangile de ce jour et plus particulièrement la citation que Jésus fait du livre de la Genèse : « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux mais une seule chair. »

Ainsi donc, en réponse à la question des pharisiens sur le divorce, Jésus cite la Genèse. Saint-Paul dans l’épître aux Ephésiens citera le même passage pour évoquer l’union du Christ et de l’Eglise… ! Le couple humain et donc la famille, sont tout simplement le fondement naturel de l’humanité. Cette humanité est appelée à la communion dans le respect des différences. Parce qu’ils sont différents, parce qu’ils sont sexués, l’homme et la femme sont invités à l’union de leur personne : union discernée, union choisie, engagés librement (.) Ainsi, quitter, s’attacher, ne faire qu’un, c’est « couple mode d’emploi » … ! Couple mode d’emploi pour mettre en place un amour commun qui permettra de réussir la communion de ces deux personnes considérablement différentes, mais désireuses de transmettre la vie, désireuses de fonder une famille unie. Ainsi se construit la famille humaine… !

L’enjeu de l’union de l’homme et de la femme est triple :

Premier enjeu : cette union est à la source de toutes les autres formes d’unité dans les rapports humains… ! L’enfant apprend à trouver sa place dans cette humanité, en premier lieu au contact de ses parents et de ses frères et sœurs… !

Deuxième enjeu : L’union de l’homme et de la femme est source de vie ! Là est la grandeur de la sexualité : deux personnes ne font qu’une seule chair, pour que de l’amour jaillisse la vie. Nous aurions pu être créés différemment, nous aimer d’une façon et transmettre la vie d’une autre ! Et bien non, la sexualité est au croisement de l’amour et de la vie, ce n’est pas innocent, ce n’est pas par hasard… ! La sexualité est le haut- lieu de la communion familiale !

Troisième enjeu : par la réalisation de cette union, par leur sexualité, affirme Jean-Paul II, l’homme et la femme sont image du Dieu Trinité source d’amour et de vie : au commencement Dieu créa l’homme à son image et à sa ressemblance, homme et femme il les créa… quelle beauté, et quelle responsabilité… !
Dieu Trinité se révèle comme une famille de trois personnes, le Père le Fils et le Saint Esprit, unies par le même amour et la même vie. La famille Dieu est la base sur laquelle sont construites toutes les formes de familles humaines, y compris notre famille paroissiale.

Parce que cette unité familiale est un bien éminemment précieux, Jésus maintient fermement l’interdit de l’adultère ! C’est un péché majeur ! Pourquoi ? Parce que ce péché, l’adultère est une profanation de cette image de la famille Dieu, de cette icône du Dieu Trinité qu’est le couple humain. L’adultère est une atteinte majeure à l’unité ! L’adultère contredit et démolit le projet de Dieu sur l’humanité. Dieu est un, dans la pluralité des personnes, Père, Fils et Saint Esprit ! L’humanité est plurielle… et l’humanité avec la famille comme fondement est appelée à l’unité. Cette unité se réalise d’abord à l’intérieur du couple, au sein de chaque famille, puis par les familles entre elles, sans oublier ceux qui sont seuls, et cette unité doit rayonner sur la société en général. Et bien évidemment sur notre paroisse en particulier. Ce n’est pas pour rien qu’elle se définit comme une famille !

Jésus est venu pour sauver l’humanité, et plus particulièrement la famille humaine, c’est la raison d’être du sacrement de mariage ! « Jésus est venu pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés », pour faire l’unité tout en respectant la diversité. « Que tous, ils soient un, comme toi, père tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21)

Pour accomplir cette unité, pour sauver la famille humaine, Jésus s’est appliqué à lui-même le mode d’emploi de la Genèse que nous décrivions précédemment. C’est le grand mystère que nous révèle Saint-Paul dans l’épître aux Ephésiens : Jésus a quitté la gloire de sa divinité, pour s’attacher à l’Eglise, à l’humanité, et ne faire plus qu’un avec elle, une seule chair. Nous trouvons cela décrit dans l’épître aux Philippiens : « Jésus de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu mais il s’est anéantit devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix. » (Ph 2,6-8) La lettre aux hébreux de ce jour est dans la même ligne : « Jésus abaissé un peu au-dessous des anges a fait l’expérience de la mort… au profit de tous… il est à l’origine de leur salut… ! Ceux qui sont sanctifiés, Jésus n’a pas honte de les appeler ses frères. »

Quand nous contemplons l’effort de Jésus pour sauver l’humanité, pour réaliser l’unité de la famille humaine, pouvons-nous penser qu’il ne désire pas cela pour notre paroisse ? Comment ne pas nous poser des questions sur notre façon d’être chrétien en Eglise et au sein de la société ? Comment ne pas vouloir réaliser ce projet pastoral paroissial ? Nous aussi, personnellement d’abord, et en paroisse ensuite, nous sommes invités à quitter nos habitudes, notre volonté de ne rien changer nos sclérocardies l’endurcissement de nos cœurs. Nous aussi, nous sommes invités à accueillir l’autre, à nous attacher à l’autre qui est différent pour lui apporter ce que nous sommes et recueillir le spécifique de sa personnalité. Nous aussi, nous sommes
invités à ne faire qu’un en aimant de façon inconditionnelle toute personne humaine que Jésus appelle frère. Par l’eucharistie que nous célébrons, Jésus épouse l’humanité, il épouse chacun de nous. Le sommet de ces épousailles s’exprime dans la parole de Jésus : « Voici mon corps livré pour vous ». Sommes-nous fidèles à cette union, où sommes-nous adultères ? L’Ancien Testament déclare adultère les idolâtres. Jésus parle de génération adultère pour condamner le manque de foi. Saint-Jacques traite d’adultère tout compromis entre l’amour de Dieu et celui du monde.

Et nous, aujourd’hui, ne prenons pas le risque de l’adultère pour notre paroisse ! Entre nous, lorsque la perte de confiance et de respect blesse l’unité nous risquons l’adultère, à quelque niveau que ce soit ! Notre paroisse est blessée par des querelles anciennes, des prises de partie, dont il nous faut sortir ! Et cela a des conséquences ! Notre paroisse est adultère lorsque nous nous replions sur nous-mêmes, lorsque nous cultivons le chacun pour soi, lorsque nous tirons la couverture à nous, lorsque nous défendons notre pré carré, lorsque nos idées personnelles sur telle ou telle question deviennent des dogmes. Voici ce que disait notre évêque à La Salette : « Trop souvent nos communautés sont plus occupées de leur survie que de l’annonce de l’Évangile au monde. Nous faisons tourner la boutique, et nous dépensons beaucoup d’énergies dans des querelles de clochers ou des querelles liturgiques. »

Paroissiens mes amis, arrêtons de nous juger, de nous jauger, de nous critiquer, de nous rejeter, de nous exclure. Paroissiens mes amis, construisons la famille paroissiale avec le et, et, et non pas le ou, ou… ! Et les filles et les garçons pour le service de l’Eucharistie, et les ministres ordonnés et les laïcs pour les funérailles, et le parcours alpha et le service des plus démunis pour témoigner de l’amour de Dieu, et une telle et tel autre pour animer la liturgie, et le respect des règles de la liturgie et nos idées originales pour la qualité de celle-ci ! Etc. etc.

La force d’une famille c’est lorsque l’amour est plus fort que toutes les attaques contre l’unité. Ainsi doit-il en être pour notre paroisse… et si le pardon est nécessaire et bien allons-y ! Soyons facteurs d’unité, transmettons la vie que nous recevons du Christ par l’Eglise, soyons témoins du Dieu, Trinité d’amour et de vie !

Parce que nous voulons quitter ce qui ne peut que vieillir, l’endurcissement du cœur… ! Parce que nous nous attachons au Christ et à son Eglise de façon inconditionnelle ! Alors nous ne faisons plus qu’un, alors nous portons du fruit, nous goûtons à la joie d’être une famille qui aime, l’Eglise, la famille de Dieu. Alors nous ressemblons aux petits-enfants auxquels est promis le royaume de Dieu, le royaume de l’amour et de la vie…

! Joie du Christ ressuscité, joie de l’homme réconcilié, que nos visages révèlent à nos frères la joie du Christ ressuscité !

Père Bertrand