Dimanche dernier, avec l’Évangile de la transfiguration de Jésus, nous avons découvert que le projet de Dieu avec l’humanité s’apparentait à une forme de transfusion d’amour. Transfusion caractérisée par la transfiguration de Jésus sur la montagne et par sa défiguration à la croix ! Ainsi Jésus est transfiguré par l’amour qu’il reçoit de son père : « celui-ci est mon fils bien-aimé… », c’est une forme de transfusion qui s’opère ! Et cet amour, Jésus nous le transmet par sa souffrance et sa mort sur la croix où il est défiguré, et c’est aussi une forme de transfusion.
Cette défiguration était prophétisée dans le dialogue d’Abraham et d’Isaac en chemin vers la montagne ou Abraham devait sacrifier son fils ! (Voir l’intégrale du texte : Ge 22, 1-18 et plus particulièrement les versets 3 à 8, absent de la première lecture de dimanche dernier). Isaac pose la question : « où est l’agneau pour l’holocauste ? » Et Abraham de répondre à son fils : « Dieu saura bien trouver l’agneau pour le sacrifice ! » Quelle prophétie ! Cet agneau pour le sacrifice se sera Dieu lui-même en la personne de Jésus ! C’est pourquoi, dimanche dernier, dans la deuxième lecture de la lettre aux chrétiens de Rome, Paul écrivait : « le père n’a pas épargné son propre fils, Jésus, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? ».
La Transfiguration de Jésus sur la montagne du Thabor, et la défiguration sur la montagne du Golgotha à Jérusalem, constitue une transfusion de l’amour divin à l’humanité. Ainsi la capacité d’aimer de l’homme doit s’allier à la capacité d’aimer de Dieu ! La transfusion devient alliage, pas seulement alliance, mais alliage ! Alliage de l’amour de Dieu et de l’amour de l’homme, pour que l’homme soit solide pour aimer, solide face aux épreuves, solide dans la durée, solide dans ses engagements, solide dans son être de chrétiens, solide dans sa mission de témoin, solide face à la tentation… ! L’amour que le Père a transmis à Jésus son fils, Jésus nous le transmet, pour que nous le transmettions à notre tour. Ce monde a besoin d’être transfusé par l’amour de Dieu… ! Dieu a fait son travail, la transfusion a eu lieu, du père au fils, et du fils aux frères et soeurs que nous sommes, Dieu a fait son travail, il nous demande de faire le nôtre : transfuser cet amour au monde… !
C’est l’objet des textes de ce jour. La première façon d’accomplir notre travail, c’est de respecter l’alliance. Sur l’esplanade du temple de Jérusalem, Jésus dénonce les falsifications de l’alliance : « vous avez fait de la maison de mon père une maison de trafic ». Le temple, haut lieu de l’alliance, est devenu un repaire de brigands… ! Ils ont mis leur vie chez Dieu… Au lieu de mettre Dieu dans leur vie… ! Ils ont trahi l’alliance contractée au Sinaï, l’alliance balisée par les dix paroles de vie… !
Alliance, alliage de l’homme biblique avec le Dieu unique : « tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi ». C’est-à-dire : tu n’interposeras rien entre toi et moi. Et si finalement le péché c’était tout simplement donner plus d’importance aux personnes, aux choses, aux biens de ce monde… qu’à Dieu ! C’est de cela dont les 10 paroles veulent nous préserver :
- Tu n’auras pas d’autres dieux, sous-entendu pourquoi inventer Dieu alors qu’il se révèle ?
- Tu n’auras pas d’idole, sous-entendu pourquoi diviniser la création ou les créatures et laisser de côté le créateur ?
- Tu honoreras le nom de Dieu, sous-entendu, Dieu est amour ! On ne peut l’invoquer ou pire l’utiliser pour quelque chose de contraire à l’amour.
- Tu honoreras le shabbat, autrement dit, un jour sur sept, régulièrement, tu n’auras pas d’autres préoccupations que Dieu.
- Honore ton père et ta mère, honore Dieu qui est la source de la vie reçue de tes parents.
- Tu ne commettras pas de meurtre ! Si tu ne respectes pas la vie d’autrui, tu méprises et rejettes Dieu qui en est l’auteur.
- Tu ne commettras pas d’adultère, car l’adultère c’est une profanation de cette image de Dieu qu’est le couple humain. (Confer dans le livre de la genèse le premier récit de la création !)
- Tu ne commettras pas de vol, car s’approprier le bien d’autrui c’est s’approprier le don de Dieu.
- Tu ne porteras pas de faux témoignages contre ton prochain, car tu ne peux pas substituer ta parole à la parole du Dieu juste et vrai !
- Tu ne convoiteras rien de ce qui appartient à ton prochain car ce qu’il est, ce qu’il a, vient de Dieu et lui appartient. Ainsi, pour que l’alliage soit pur, pour rappeler l’alliance contractée au Sinaï, Jésus fait le ménage sur l’esplanade du temple, dans la maison de son père, le haut lieu de la prière.
Mes amis, nous sommes dans un lieu de prière. Et nous avons besoin de ce lieu, ne serait-ce que pour les liturgies collectives, mais si nous ne respectons pas les 10 paroles, si notre coeur, d’abord, n’est pas une maison de prière, le seigneur n’est pas en nous, et il n’est pas au milieu de nous… ! S’il n’est pas l’unique raison de notre présence personnelle et communautaire ce matin, alors, trouvons des cordes pour faire un fouet. Nos coeurs trafiquent, dénonçons ce trafic, confessons ce trafic, et laissons Jésus faire le ménage dans notre coeur avec le fouet de sa miséricorde… ! Voilà comment nous devons accomplir notre travail.
Mais, deuxièmement, pour accomplir notre travail, nous sommes invités chacun à faire alliage avec la folie et la faiblesse de Dieu c’est-à-dire avec Jésus ! Folie du dieu crucifié, il nous a aimé jusque-là, quelle sagesse ! Faiblesse de Jésus en croix qui ne peut plus rien faire d’autre que d’aimer, quelle force ! Tout homme, toute personne humaine a le droit de savoir qu’il est aimé de Dieu, que Dieu veut faire alliance avec lui… ! Tout chrétien, tout baptisé, a le devoir de faire connaître l’amour dont il est aimé. Vivre l’eucharistie, accueillir Jésus qui se donne à nous sous la forme du pain, c’est faire alliage avec Dieu ! Dieu vient aimer en nous et veut aimer par nous ! Nous ne sommes pas chrétiens parce que nous venons à la messe nous sommes chrétiens en sortant de la messe, parce qu’en vivant cette liturgie nous faisons alliage avec le Christ ressuscité nous sommes Christifiés ! Joie du Christ ressuscité, joie de l’homme réconcilié, que nos visages révèlent à nos frères la joie du Christ ressuscité !
Père Bertrand