Première lecture : Ac 4, 8-12
Psaume : Ps 117 (118), 1.8-9, 21-23, 26.28-29
Deuxième lecture : 1 Jn 3, 1-2
Evangile : Jn 10, 11-18
La parabole du bon pasteur que nous venons d’écouter dans l’évangile d’aujourd’hui a donné son nom à ce 4ème dimanche de Pâques qu’on appelle aussi « dimanche du Bon Pasteur ». Pour les auditeurs de Jésus, le symbole du berger qui conduit son troupeau est très significatif. Il est présent dans tout l’ancien orient, pour désigner les rois et les chefs de clans. Dans la Bible, cette image s’applique aussi à Dieu, le pasteur de son peuple: «Voici le Seigneur Dieu … comme un berger il fait paître son troupeau.» (Is. 40,10-11). «Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien» (Ps 22).
Dans le christianisme, l’image du Bon Berger se trouve partout : dans les vitraux de nos églises, dans les maisons des chrétiens, leurs salles de réunions. Encore aujourd’hui, les évêques utilisent la crosse du berger comme symbole de leur ministère pastoral. Mais attention, ne nous laissons pas tromper par une certaine image doucereuse, bucolique, idyllique du bon berger romantique caressant ses brebis, les laissant se blottir dans ses bras, bref cette image qui s’adresse à nos désirs les plus infantiles d’être protégés, bercés, cajolés ! Dans l’Orient ancien, le berger n’était pas un personnage romantique comme nous nous le représentons souvent aujourd’hui. Le berger était un homme austère et courageux, qui savait défendre ses brebis des animaux sauvages et des voleurs. Être pasteur était un métier difficile et à risque. Jésus s’identifie au bon berger, opposé au mercenaire. Il le précise lui-même : «Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis … Le berger mercenaire, s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse ».
Dans l’évangile de Saint Jean, cette parabole du Bon Pasteur vient après le récit de la guérison de l’aveugle-né. Souvenons-nous. Un aveugle de naissance avait été guéri par Jésus le jour du sabbat. Les chefs du peuple refusaient de voir ce qui s’était passé : ils refusaient l’évidence de la guérison de l’aveugle. C’est la même attitude que dans le récit de la première lecture d’aujourd’hui : les chefs du peuple refusent de reconnaître la guérison de l’infirme par Pierre. En parlant de bergers mercenaires, l’allusion est faite aux chefs du peuple qui refusent que Jésus fasse du bien aux personnes, ceux qui n’acceptent pas que Jésus guérisse l’aveugle de naissance ou que Pierre guérisse l’infirme de la porte du Temple… Ils sont du côté du loup.
Mais direz-vous, notre vie est sans cesse agressée par tant de loups et alors où est le bon berger pour nous défendre ? C’est que nous ne sommes pas des brebis bêlantes qui se laissent traîner au bout d’une lanière. Nous sommes des êtres dont la responsabilité consiste à se prendre en charge avec cette liberté qui nous habite. Si nous remontons plus haut dans la parabole du Bon Pasteur, Jésus affirme qu’il est la porte de la bergerie et que les brebis peuvent aller et venir, entrer et sortir à leur guise. Elles sont libres. Lorsque Jésus entend nous défendre de l’attaque du loup, il pense d’abord à ce loup intérieur qui nous habite et qui nous empêche de réaliser la vérité de ce que nous sommes. Ce loup tapi en nous c’est peut-être notre orgueil, notre liberté dans la mesure où elle s’affirme contre Dieu…
Ceci me fait penser à un extrait d’un texte d’Alphonse Daudet que nous avons étudié à l’école primaire La chèvre de M. Séguin : « M. Séguin n’avait jamais eu de bonheur avec ses chèvres. Il les perdait toutes de la même façon : un beau matin, elles cassaient leur corde, s’en allaient dans la montagne, et là-haut le loup les mangeait. Ni les caresses de leur maître, ni la peur du loup, rien ne les retenait. C’était, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.» Voilà le type de brebis que nous sommes : indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté.
Jésus connait chacun de nous, il connait à la fois les générosités de nos vies et aussi tous ces loups intérieurs qui peuvent nous détruire. Sa façon de nous défendre consiste précisément à ne pas se défendre lui, mais à se donner, donner sa vie pour nous arracher aux griffes du loup. Il est à la fois le berger qui nous conduit vers des prés d’herbe fraîche et l’agneau livré pour notre rachat. Il nous indique ainsi le mode sous lequel doit être exercée l’autorité de pasteur: c’est par le service et le don de soi. Nous sommes tous en position de pasteurs : Pères de famille, mamans, parents, enseignants, médecins, chef d’entreprise, religieux, religieuses, prêtres… Nous avons tous une responsabilité vis à vis du vivant qui est à côté de nous et que Dieu nous confie. Rappelons-nous la réponse de Caïn qui vient de tuer son frère Abel : « Suis-je le gardien, le berger de mon frère ? » Oui nous le sommes. Ne devenons pas des loups vis à vis de nos frères et soeurs.
Ce dimanche du Bon Pasteur étant aussi le dimanche de prière pour les vocations, prions pour que Dieu envoie des bons pasteurs à son église… En priant pour les vocations sacerdotales, ne demandons pas que Dieu se choisissent des prêtres seulement dans les familles des autres parce que, semble-t-il, la vocation c’est comme l’autoroute : on en a besoin, pourvu qu’elle ne passe pas par chez nous…
Père Jean-Paul