Dans la première lecture d’aujourd’hui, David veut construire un temple somptueux à Dieu : «J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous la tente.» Mais un peu plus loin dans le texte, nous voyons que Dieu refuse. «Est-ce toi qui me construira une maison pour que j’y habite?» … Dieu ne veut pas se laisser enfermer dans un temple de pierre. David aimerait offrir à Dieu une demeure stable, un espace sacré, alors que le Seigneur se veut nomade avec son peuple, il veut l’accompagner partout où il se trouve.
La fête de Noël nous révèle que le temps où l’on cherchait Dieu sur les sommets, dans les nuages, dans les sanctuaires, dans les rites et les sacrifices est révolu. Fini le temps des ziggurats, des pyramides, le temps où les hommes multipliaient les efforts pour s’élever jusqu’à Dieu (Tour de Babel). Ce n’est pas nous qui devons monter pour nous approcher de Dieu, c’est Dieu qui descend et vient habiter chez-nous. Tel est le mystère de Noël, le mystère de l’incarnation.
À Noël, nous célébrons le Dieu qui se cherche une demeure, non pas ce Dieu Très-Haut, Tout-Puissant et lointain, mais le Dieu très-bas, fragile qui, pour nous, s’est fait petit enfant. Je pense ici au roman de Christian Bobin intitulé Le Très-Bas. Dans ce texte poétique qui porte sur la vie de François d’Assise et sa conception de Dieu, l’auteur met en opposition le Dieu Très Bas, le Dieu des enfants, le Dieu de l’amour, avec le Dieu Très Haut, lointain et sévère tel qu’il a été présenté par une certaine la religion.
Certains de nos frères se sont éloignés de Dieu à cause d’une certaine image de Dieu que nous leur avons présentée. Un jour je discutais avec un copain qui se dit athée mais qui est d’un esprit très ouvert. Nous étions d’accord avec lui sur certains fondamentaux de la foi. Alors je lui ai dit : quand tu seras à la porte du paradis, Dieu te demandera « Je t’ai envoyé des messagers, des prophètes et des prêtres, pourquoi n’as-tu pas cru à moi ? ». Et mon ami m’a répondu : « Je lui dirai : tes envoyés m’ont présenté une image renversée de toi. Ils t’ont présenté comme un shérif redoutable qui prenait plaisir à guetter le moindre de mes faux pas. Naturellement, je ne pouvais supporter une telle image. »
Le contraste entre Le Dieu Très Haut d’une certaine religion et le Très Bas devient évident dans le projet de David et celui de Marie. David veut enfermer Dieu dans un temple rutilant, Marie par contre reçoit Dieu dans son humble maison de Nazareth et lui permet d’habiter en elle. Elle devient alors la nouvelle arche d’alliance, le nouveau temple de Dieu. Saint Paul pourra écrire sans hésitation aux chrétiens de Corinthe: «Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit habite en vous? Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous !» (1 Co 3, 16-17).
Luc, dans son évangile, utilise l’image de la «nuée», de «l’ombre», signe de la présence de Dieu. «L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre».
En cette fête de Noël, Dieu cherche un endroit où habiter. Espérons que nous ne soyons pas obligés de constater que chez-nous, comme à Bethléem, «il n’y a pas de place pour lui dans notre auberge». Dieu ne veut pas être mis à part, être enfermé dans un lieu sacré. Il préfère vivre en communion avec nous, dans la réalité de nos vies quotidiennes.
La venue de Dieu n’a rien «d’une visite officielle» comme celles que font les grands de ce monde qui se déplacent sous haute escorte, entourés de nombreux garde du corps. Ces dirigeants manquent parfois de contact avec le peuple et leur discours est parfois éthéré. Quand Jésus vient à Noël, il n’est pas entouré de gardes du corps et de grandes mesures de sécurité. Il veut être près de nous pour savoir exactement ce qui se passe dans nos maisons et dans nos coeurs. Il n’a pas besoin d’itinéraires prédéterminés «pour motif de sécurité». C’est le sens de son nom révélé par l’ange : Emmanuel, Dieu-avec-nous.
Notre Dieu ne fuit pas les difficultés de la vie. Il est simplement l’un de nous. Il s’invite dans nos maisons, comme il l’a fait chez Marie. Nous pourrons alors le conduire un peu partout, dans le monde, plus particulièrement chez ceux et celles qui souffrent, chez ceux et celles qui ont le plus besoin de notre aide : les malades, les personnes âgées, les jeunes aux prises avec des problèmes de drogues, les sans travail, les sans foyer, les personnes seules, etc. C’est ce qui s’est passé avec Marie. Après avoir prononcé son « fiat » («qu’il me soit fait selon ton désir»), elle quitte son village «en hâte» pour visiter sa cousine Élizabeth qui, elle aussi était enceinte, et avait besoin d’assistance. Marie voulait ainsi partager sa grande joie d’être devenue le temple de Dieu.
La liturgie de ce quatrième dimanche de l’Avent pourrait s’intituler: «Dieu cherche une maison !» Luc constate «qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’auberge»… et saint Jean ajoute : «Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu». Chez Marie, le Seigneur a trouvé un accueil chaleureux : «Que tout se passe pour moi selon ta parole». Espérons qu’il en soit ainsi chez-nous en cette fête de Noël. Le mystère de l’Incarnation n’est pas simplement un anniversaire de naissance. C’est une invitation à partager la vie même de Dieu dans notre vie de tous les jours.
Père Jean-Paul