Pour Noël, il est de coutume en Provence de fabriquer une très grande crèche représentant la campagne et les collines provençales. Cette crèche est peuplée de nombreux santons d’argile peints (santoun en provençal signifie petit saint).

L’histoire de ces santons est admirablement racontée dans La Pastorale des Santons de Provence d’Yvan Audouard que j’écoute à chaque Noël avec ravissement. Je vous en conseille la version originale de 1957 (sur YouTube…) : c’est une pure merveille ! C’est un conte qui me touche au cœur surtout à cause de ce qu’il contient et de ce qu’il transmet.

Parmi ces santons, il y a un personnage bien particulier – mon préféré ! – c’est le Ravi. Il s’agit de celui qui est toujours représenté les bras en l’air et le bonnet de nuit sur la tête. Il m’a toujours attiré car il n’est pas du tout comme les autres. D’ailleurs, les personnages de la crèche le perçoivent « comme un fada » (à prononcer « avé l’accent » !), c’est-à-dire comme quelqu’un d’un peu benêt, un simple d’esprit, mais aussi comme un fainéant qui ne travaille pas.
Il n’est donc pas très bien vu par la communauté. Même si je ressentais qu’il y avait quelque chose de particulier en lui qui me faisait l’apprécier presque plus que les autres (à part peut-être le berger), il m’a fallu du temps pour comprendre ce qu’il était en réalité.

Le Ravi est en fait un contemplatif ! Il passe ses journées en perpétuelle admiration devant la beauté de la nature et des personnes autour de lui. Il est le témoin de la vie qui l’entoure, pas un témoin qui regarde et qui tire des conclusions de ce qu’il voit ou qui juge… Encore moins un témoin qui donne des conseils… Non c’est un témoin de la vie qui regarde avec les yeux de son cœur. Son mental s’est mis en retrait au profit de son cœur qui lui est grand ouvert. Et c’est pour cela que les autres personnages le prennent pour un simplet. Mais comme il est dans son cœur, il n’éprouve ni tristesse, ni ressentiment, ni sentiment de rejet ou de solitude ! Au contraire, il voit ceux qui l’entourent tels qu’ils sont véritablement, et il les aime de manière inconditionnelle. C’est aussi pour cette raison qu’il est le seul à proposer son aide spontanément à celui qui en a besoin pour avancer sur le chemin. C’est en rendant service qu’il se sent le plus heureux !

En ce temps de Noël, que le Ravi nous aide à conserver le sens de l’émerveillement.

Les nuages menaçants qui s’amoncèlent sur le monde et sur l’Église ne devraient pas empêcher les croyants de rester dans la joie et l’action de grâce. S’émerveiller n’est pas s’aveugler, mais voir plus loin que le bout de son nez, « comme s’ils voyaient Celui qui est invisible » (Hb 11,27).
Si « l’essentiel est invisible pour les yeux », pourtant, notre regard se fait attentif et notre cœur s’ouvre, nos yeux cueillent la possibilité de voir au-delà… de voir l’Au-delà. C’est un passage délicat ; il demande à être continuellement entraîné et renforcé. C’est l’expérience de qui se laisse transfigurer, et montre en ce qu’il est et fait l’image de Celui qui l’a transfiguré.

Voici le message que nous transmet le Ravi : Pour être vraiment heureux, regardons le monde avec les yeux de notre cœur !

Je vous souhaite un joyeux et saint Noël !

                                         Père Gilles-Marie Lecomte