Chers frères et sœurs,

Nous arrivons au 5ème dimanche du carême, celui qui précède la fête des Rameaux. D’habitude, on serait dans la fièvre de la préparation des cérémonies pascales. Car, la fête de Pâques approche ; on en perçoit déjà l’avant-goût en ce récit de Lazare mort et rappelé à la vie par son ami Jésus. Dans le contexte de la pandémie du covid-19 et du confinement que nous vivons, cet évangile est d’une actualité évidente : il vient nourrir notre confiance et notre espérance. En effet la résurrection de Lazare rapportée uniquement dans l’évangile de Jean, est sans aucun doute un miracle. Mais Saint Jean y voit aussi un « signe », le dernier des signes de Jésus, le plus grand. Signe de la résurrection de Jésus qui nous prend avec lui vers la vie nouvelle.

Oui, par ce prodige Jésus donne aux disciples encore incrédules la preuve que la résurrection est possible, et la sienne en particulier. Il pose là à Béthanie le signe ultime montrant qu’il va mourir certes, mais qu’il ressuscitera. Ce signe lui donne de faire admettre qu’il est « la résurrection et la vie ». Et à l’occasion il ajoute : « Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais ».

L’évangéliste Jean donne donc un témoignage comme pour dire : si vous avez peur de la mort, rencontrez celui qui l’a vaincue en sortant lui-même du tombeau. Trouvez en lui cette certitude qu’après cette vie, il vous réserve une place auprès de lui dans l’éternité, là où il n’y aura plus ni larmes, ni souffrance d’aucune sorte. Mais par cet événement Jésus nous parle aussi de nos passages quotidiens de la mort à la vie, dans notre histoire. Car, notre histoire est le lieu de notre vie mais aussi de la mort, la mort quand nous quittons ce monde ainsi que les multiples petites morts que nous devons traverser. Comme Marthe et Marie, le deuil, la tristesse, et la peur qui nous terrassent et nous atteignent. C’est dans ce contexte, lorsque l’adversité nous frappe, que l’évangile d’aujourd’hui se propose de nous redire que Dieu n’abandonne pas celui qui se tourne vers son Fils Jésus (cf. Jn 3,16). C’est ce que signifient d’ailleurs le prénom Lazare et l’intervention de Jésus pour lui et les siens, devant l’impression toujours actuelle de l’absence de Dieu face au mal.

Le nom de Lazare n’a pas été choisi au hasard. C’est la forme grecque du prénom hébreu « Eléazar » qui signifie Dieu a aidé, Dieu a secouru. Par Jésus, Dieu vient au secours de l’homme représenté par Lazare et les siens. Oui, Lazare et ses sœurs sont des amis de Jésus. Il tombe malade, les siens font tout pour le soigner, mais il meurt et on le met au tombeau. Ses sœurs sont en deuil ; elles sont en quelque sorte plongées elles aussi dans la mort. Les « Lazare », les malades et les morts, sont en grand nombre en ces jours, suite à l’attaque de ce virus. Triste réalité ! L’ennemi est là, invisible et dangereux. Et pour combattre sa propagation, nous voilà tous confinés, obligés d’observer malgré nous une « distance sociale ».

Ne sommes-nous pas, comme Lazare, enfermés nous aussi dans un tombeau ? Le tombeau du péché, du mal qui domine nos vies et nos choix ? Le tombeau de la peur, du désespoir, de la suffisance, de l’orgueil, de l’égoïsme, du rationalisme aveugle ou d’une foi idolâtre ? L’odeur de la mort éternelle s’est elle attachée à nous ? Le même cri de Jésus continue de retentir pour chacun : Sors du tombeau, viens dehors ! Si le Seigneur Jésus nous lance cette invitation, c’est parce que nous sommes dans la mort et qu’il a le pouvoir de nous en délivrer, lui qui est la résurrection et la vie ! Ainsi vient-il, il pleure avec les amis de Lazare, il s’approche de la tombe, il brave le danger dont on le prévient : « il sent déjà… », danger de contagion, danger de mort. Il s’approche du mort, de Lazare et de nous dans ces tombeaux qui nous enferment. Il veut nous faire entendre sa Parole de vie.

Le temps du confinement ressemble curieusement à ce moment où Lazare est dans le tombeau et où les autres sont aussi enfermés dans la tristesse. Jésus ne veut pas nous laisser seuls, il refuse de laisser nos cœurs enfermés, et il crie pour nous libérer. Alors, nous pouvons retenir que :

  • Quand Lazare est confiné dans son tombeau, il continue de vivre dans le cœur de Jésus qui lui adresse cette Parole qui va le remettre debout et vivant, cette Parole qui va créer la fête dans le village. La voix de Dieu continue de se manifester. Pour beaucoup de familles, nos lieux de confinement sont devenus de véritables églises domestiques où nous lisons et partageons la Parole de Dieu, où des émissions religieuses nous accompagnent. La mauvaise odeur de feu Lazare et de nos fautes, Jésus ne l’évite pas. Il ne nous condamne pas. Il s’approche pour nous donner la vie. Accueillons donc sa parole de vie. Ne passons jamais une journée sans la méditer, sans la mâcher, car elle est Pain de vie.
  • Il faut « roulez la pierre » pour que Lazare sorte du tombeau, il faut le délier de ses bandelettes, il faut l’accueillir et lui faire la fête. C’est le rôle que Jésus donne à ceux qui l’accompagnent jusqu’au tombeau de Lazare… Oui, quand on croit en Jésus, il y a à faire, avec lui et par lui. Le Christ ne va pas seul dans le combat contre la mort. Il va avec tout son Corps, et les membres de son Corps. Il fait lever des curieux, mais aussi ses disciples, des chercheurs, des hommes et femmes de bonne volonté, des soignants, des militaires, des gens qui, avec lui, prennent le risque de s’approcher du mort et de la mort, pour que celle-ci soit vaincue. Le temps de confinement est l’occasion de se rendre compte de tout cela, et de prendre part à ce combat en sachant que le « chacun chez soi » ne signifie pas « chacun pour soi ».
  • Enfin la mort de Lazare donne à Marie la possibilité de chercher Jésus, de lui faire parvenir sa demande, de prier. Elle confesse la fragilité de l’être humain, mais aussi son espérance dans la résurrection. Et elle termine en proclamant sa foi en Jésus en qui la vie de Dieu est donnée au monde.

Finalement le dernier mot de ce récit dans lequel notre vie se retrouve, c’est l’horizon de la vie nouvelle où le mal et la mort sont vaincus, et où la communauté est de nouveau rassemblée dans la joie de la fête, autour du Christ. La Pâque de Jésus est la nôtre aussi. Une promesse est faite, par Celui à qui notre Credo va dire : « Je crois ». Que cet acte de foi nous permette d’espérer et de nous ouvrir à l’accueil confiant de cette promesse de vie nouvelle.

Amen

Père Sébastien

La préface du 5ème dimanche de Carême:
(mérite d’être méditée)

Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire,de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ, notre Seigneur.

Il est cet homme plein d’humanité qui a pleuré sur son ami Lazare; il est Dieu, le Dieu éternel qui fit sortir le
mort de son tombeau: ainsi, dans sa tendresse pour tous les hommes, il nous conduit, par les mystères de sa Pâque, jusqu’à la vie nouvelle.

C’est par lui que les anges assemblés devant toi adorent ta sainteté; Laisse donc nos voix se joindre à leur louange pour chanter et proclamer: