En ce dimanche de la Parole de Dieu, qui fait suite immédiatement à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens et qui rassemble dans notre paroisse des équipes du parcours Alpha, je rends grâce à Dieu pour cet évangile. Trois notions m’y intéressent beaucoup : 1) Capharnaüm, 2) suivre Jésus, et 3) pêcheurs d’hommes.
1) Ce qui me parle le plus dans cet évangile, c’est un déplacement : Jésus quitte Nazareth pour venir habiter à Capharnaüm ;
– Capharnaüm se trouve en Galilée. Dans la Palestine du temps de Jésus, la Galilée est considérée comme le carrefour des païens. Une longue histoire de guerres, d’invasions, d’immigrations forcées y a amené un fort brassage des peuples. Si bien que les Juifs de Judée, de race pure et de stricte observance religieuse, considéraient avec mépris ces Galiléens de races mêlées. Capharnaüm, c’est une ville frontière, où se trouve un poste de douane et une garnison romaine. C’est un port, un lieu de passage, de commerce et de trafic, une population mélangée. Une ville qui a mauvaise réputation pour les juifs de stricte observance. Capharnaüm est même devenu synonyme de fourre-tout désordonné.
– Capharnaüm c’est l’image de notre société sécularisée, mélange de tout où la Parole de Dieu doit être annoncée. Capharnaüm, avec ses clans, est peut-être aussi une image de nos églises, de nos communautés, des chrétiens divisés, et pour lesquels nous venons de passer une semaine de prière. De la division qui n’a pas sa place chez des chrétiens, parce que c’est un scandale : Christ est-il divisé ? demande Paul aux Corinthiens.
Que Jésus aille à Capharnaüm, cela est doublement significatif pour nous : c’est là qu’il commence son annonce de la Bonne Nouvelle, et c’est là qu’il choisit ses premiers disciples. En choisissant d’habiter Capharnaüm, Jésus accomplit ainsi la prophétie d’Isaïe que nous entendons à Noël (1ère lecture) : «Toi, Galilée, carrefour des païens, le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». Jésus accomplit ainsi la volonté du Père qui a parlé par les prophètes. Et nous comprenons que le choix de Jésus est résolument missionnaire. C’est pour cela qu’il est « sorti » : il accepte de renoncer au calme de Nazareth pour s’installer là où on a le plus besoin de lui : non pas d’abord à Jérusalem, la ville sainte où Dieu habite dans son temple, mais dans une contrée ouverte aux influences païennes, où se mélangent races et religions, au milieu des brebis perdues de la maison d’Israël. Admirable incarnation de Dieu au milieu des hommes ! Le pape, dans la joie de l’Évangile, observe que : « Dans la Parole de Dieu apparaît constamment ce dynamisme de la ‘sortie’ que Dieu veut provoquer chez les croyants. ( … ) Sortir de son confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile » (n° 20).
2) C’est à Capharnaüm que Jésus choisit ses disciples, dans une terre de mission et ils se mettent à sa suite . Le suivre. En quoi ? Peut-être 3 sens :
– Le suivre, en allant vers lui et en croyant en lui. Jésus appelle à la conversion, parce que le règne de Dieu est à leur portée, par sa présence. Et ces 1ers disciples vont être appelés et formés, pour vivre ensemble, surmonter leurs différences et devenir un corps qui rayonne de l’amour du Christ. Voilà la solution aux divisions : rencontrer Jésus, le laisser nous convertir, accepter de se laisser façonner, de laisser ajuster son regard à celui du maître. Lui seul peut nous aider à être « en parfaite harmonie de pensées et de sentiments » (Paul).
– Le suivre c’est aussi aller vivre avec lui, devenir ses disciples et l’imiter dans ce qu’il fait. Que fait-il ? Quelques actions principales : il proclame l’Évangile en invitant à la conversion ; il appelle des disciples ; il enseigne la Bonne Nouvelle du salut, et enfin il guérit les malades et chasse les démons : c’est un beau résumé de l’activité missionnaire du Christ et de son Église.
– Le suivre c’est aussi sortir de sa vie habituelle, bien au calme, et aller à la rencontre des gens qui ont nécessairement besoin de cette lumière de Dieu. Et c’est pourquoi, Jésus leur indique leur nouveau métier : ces pêcheurs de poissons vont devenir des pêcheurs d’hommes.
3) Quel métier !
– Pêcher des hommes ? Oui, comme s’ils étaient dans l’eau, dans la mer. Et à l’époque de Jésus, la mer représentait le domaine du mal, de la mort, des difficultés, de l’obscurité. Devenir pêcheurs d’hommes, c’est donc aider les humains à sortir de tous leurs lieux sombres, où le mal, la peur, le désespoir prennent une grande place ; les sortir pour les entraîner vers la Vie, la Lumière, le Beau, le Bien, l’Amour!
– Pour pêcher, il faut aller, « sortir », et en plus sur la mer, sur ce terrain à risques. Pourtant ces hommes répondent « aussitôt ». Ont-ils perçu l’urgence de leur mission ? Peut-être.
– Mais, en tout cas, Jésus choisit des pêcheurs probablement en raison de certaines qualités de leur métier, comme la patience, la confiance, l’espérance, et l’esprit d’équipe. Un pêcheur et un apôtre (ou leur successeur) ont une similitude saisissante : ils ne maîtrisent pas leur production et obtiennent un résultat grâce à la patience et à l’audace. Ni les pêcheurs, ni les apôtres ne savent jamais ce qu’ils vont attraper. Ils peuvent peiner des heures, des jours sans succès. Leur résultat n’est pas directement proportionnel à leurs efforts. Il dépend de leur persévérance. Un pêcheur peut lancer des filets pendant une nuit entière, sans prendre le moindre poisson ; et, puis, à force de refaire les mêmes gestes avec espoir, à avancer toujours plus loin, sans céder à la déception et au découragement, il finit par trouver ce qu’il cherche. C’est pareil dans la mission et, plus généralement, dans la quête du Royaume de Dieu. Là aussi, ce ne sont pas les efforts en eux-mêmes qui apportent le salut, même s’ils sont indispensables, mais la foi, l’espérance, la charité et l’audace, dans le Capharnaüm de nos cœurs, mais aussi celui de notre temps où vivons et où Dieu nous appelle à porter sa lumière.
Demandons au Seigneur ces qualités pour suivre Jésus et devenir ses disciples-missionnaires : la foi, l’espérance, la charité et l’audace.
Père Sébastien, curé