Les mots que Dieu nous adresse, au premier jour du Carême, sont un appel à renforcer notre relation avec Lui : « Revenez à moi de tout votre cœur… » (Joël 2, 12) ; « laissez-vous réconciliez avec Dieu… » (2 Cor. 5, 20). Notre véritable effort de Carême consiste à répondre à cette invitation de Dieu, riche en Miséricorde.

Le Carême est une marche vers le Père, une dynamique pour restaurer ou renforcer l’Alliance avec Dieu. Il ne s’agit pas d’abord de se priver, mais de faire plus de place à Dieu (et donc au prochain) dans nos vies. La logique première des privations et des pénitences est d’accueillir davantage l’amour infini de Dieu pour nous ; de faire de la place à l’autre ; de devenir nous-mêmes, c’est-à-dire d’authentiques fils et filles de Dieu.

Le Carême ne peut en aucun cas être un temps d’introspection qui nous centrerait encore plus sur nous-mêmes. Il est un temps de conversion qui nous tourne vers le Père, et, par là même, vers ces frères et sœurs en humanité que Dieu nous a donnés.

Comment faire ? Les moyens nous sont donnés par le Christ Lui-même, qui est le Chemin vers le Père : l’aumône, la prière et le jeûne.

  • L’aumône nous libère de l’idolâtrie des richesses, c’est-à-dire de l’idée que la richesse serait une sécurité pour le présent et rendrait possible l’avenir. Notre seule sécurité est l’amour de Dieu notre Père qui nous donne notre pain de chaque jour. La richesse nous met inconsciemment au-dessus des autres ; elle peut être un moyen de s’imposer dans une société et même d’exercer une forme de chantage : « si vous ne faites pas ce que je veux, je ne vous donnerai rien » ; on le constate dans le rapport entre pays riches et pays pauvres, mais aussi à l’intérieur même de l’Eglise ! Tout peut être réduit à un objet de consommation, si l’on se laisse corrompre par la richesse. Elle est un piège mortel qui nous éloigne de Dieu, qui empêche Dieu d’être pleinement notre Père.
  • La prière est la manière concrète d’entretenir l’Alliance dont Dieu a pris l’initiative et dans laquelle nous sommes entrés par notre baptême et notre choix personnel d’adhérer à la foi reçue. La prière est l’expression de notre amour filial, de notre désir d’unir notre volonté à celle de ce Père très aimant. Ecouter Dieu, méditer les Ecritures jusqu’à ce qu’elles deviennent Parole vivante de Dieu. Répondre à Dieu dans une relation quotidienne, en mettant en œuvre sa Parole, et par le don de soi. Qui dit alliance dit engagement des deux parties, sinon c’est ramener l’autre à soi, l’utiliser pour soi. La relation à Dieu dans la prière nous met dans sa lumière aimante et nous conduit à être profondément vrais, à Lui livrer tout notre être, y compris les zones d’ombres en nous, et bien sûr notre péché. Le temps du Carême est le temps privilégié pour vivre le sacrement de la réconciliation dans une rencontre personnelle avec un prêtre. C’est le temps de confesser la miséricorde de Dieu en nommant explicitement nos péchés pour qu’ils sortent de nous et soient pardonnés. Il faut mettre des mots sur ces zones obscures en nous pour que la lumière d’amour de Dieu les purifie et les guérisse.
  • Le jeûne permet de prendre de la distance avec les biens secondaires qui nous distraient et nous détournent de l’Unique Nécessaire : les biens de consommation, les attachements désordonnés. Le but est de rendre sa juste place à Dieu dans notre vie. Le jeûne rétablit dans nos vies la vraie hiérarchie des biens. Au Bien suprême la première place, aux autres biens, une place relative à leur vraie valeur, qui s’évalue à partir du Bien suprême.

Montons ensemble vers Dieu Notre Père qui court au-devant de nous, et accompagnons sur le chemin de vie les catéchumènes qui seront baptisés à Pâques. Notre témoignage sera un soutien précieux dans leur ultime combat pour choisir le Christ et Le suivre en vérité. Nous avons besoin les uns des autres pour avancer vers la vraie vie, vers Dieu notre Père.

Prions les uns pour les autres en ce temps de grâce !

† Guy de Kerimel, évêque de Grenoble-Vienne